Alors que la tendance en France et en Europe est à l’économie circulaire, l’innovation durable ou autrement appelé “éco-innovation” devient un facteur clé de compétitivité pour les entreprises.
L’IRT Nanoelec, en collaboration avec l’ITE INES.2S développe un diagnostic flash pour les projets d’innovation menés avec les PME et les startups dans le cadre de l’initiative Easytech, piloté par Minalogic. Elise Monnier (CEA-Liten) et Peggy Zwolinsky (Grenoble-INP) ont coordonnés la phase pilote en 2021 pour le compte de l’IRT Nanoelec et de l’ITE INES.2S. elles reviennent sur les différents aspects de cette démarche.
DEFI-INO est un diagnostic flash de l’impact environnemental et sociétal d’un projet d’innovation. Comment est-il organisé ?
Elise Monnier : « A l’IRT Nanoelec comme à l’ITE INES.2S, les entreprises viennent avec un projet visant à intégrer une nouvelle technologie dans un procédé, un produit ou un service. Le Défi-INO, vise à renforcer les critères d’appréciation et d’évaluation du projet. Il s’agit d’un diagnostic flash : il dure 1 journée et coûte environ 1 000 euros. L’entreprise est reçue par un expert qui lui fournit une analyse confidentielle des points forts et des points faibles du projet et de son modèle économique, en termes d’empreinte environnementale et sociétale.
Peggy Zwolinsky : « En moins d’une journée de travail, les experts et les membres de la direction de l’entreprise identifient ensemble les axes d’amélioration possibles pour faire face aux exigences de l’éco-conception. Ce travail préliminaire peut ensuite être complété par une véritable démarche d’éco-innovation centrée sur le projet et l’entreprise, appuyée par le soutien des politiques publiques en faveur de l’économie circulaire.
Vous avez réalisé la phase pilote en 2021. Les entreprises ont-elles été convaincues ?
Peggy Zwolinsky : « 8 entreprises volontaires, dont 5 issues de l’initiative Easytech de l’IRT Nanoelec et 3 de l’INES.2S ont participé à cette phase pilote. Leurs projets ont été analysés par 4 catégories d’experts : deux laboratoires publics (le CEA avec son institut Liten et sa plateforme d’innovation collaborative Y-Spot, et Grenoble-INP via son laboratoire G-SCOP) et deux entreprises privées (Circulab et SolidCreativity).
Elise Monnier – Les entreprises participantes nous incitent à poursuivre cette initiative. Leurs retours confirment qu’elles savent que l’éco-conception, l’éco-innovation et l’économie circulaire sont désormais des facteurs clés de leur compétitivité. Ces retours nous permettent également d’affiner l’offre Défi-INO, à concevoir et à commercialiser, puisque plusieurs types de diagnostics ont été testés.
Précisément, quels “outils” les entreprises considèrent-elles comme les plus utiles ?
Elise Monnier – Les entreprises sont toutes d’accord pour dire que ce travail en face à face hors du contexte de l’entreprise avec une équipe d’experts, mais aussi avec des membres de l’équipe qui ne sont pas directement impliqués dans la R&D (marketing, communication, finance, etc.) génère une valeur ajoutée considérable. Les phases de brainstorming sont d’autant plus productives.
Peggy Zwolinsky – Les diagnostics plus “analytiques” apportent également une contribution importante : ils confirment objectivement certaines hypothèses. Pour les entreprises, c’est un gage de crédibilité et de responsabilité.
DEFI-INO PEUT-IL ÊTRE APPLIQUÉ À TOUS TYPES DE PROJETS ?
Peggy Zwolinsky – En amont du diagnostic, il convient de s’interroger sur la maturité technologique du produit et de l’entreprise elle-même en matière d’éco-innovation. Le diagnostic semble indispensable pour des produits ou des entreprises relativement immatures par rapport à la question de l’impact sociétal et environnemental. Dans le cas d’un produit établi, le diagnostic peut également être utile si l’entreprise s’avère manquer d’expertise et de ressources en matière d’éco-innovation.
COMMENT LES ENTREPRISES ASSIMILENT-ELLES LA DÉMARCHE ET LES RÉSULTATS ?
Elise Monnier – De manière générale, les entreprises s’en servent pour améliorer la communication sur leur offre (tant auprès des clients que des investisseurs) et pour ouvrir de nouveaux champs d’innovation à leurs concepts. Au cours de la phase pilote, beaucoup ont étendu l’initiative de diverses manières. Par exemple, l’une d’entre elles a désormais un ingénieur qui consacre 1 jour par semaine à l’éco-conception ; une autre se concentre sur la recherche de solutions concernant un point soulevé dans le diagnostic : le recyclage ; un troisième intègre désormais l’éco-conception dans ses futurs projets.
Peggy Zwolinsky – Cela nous montre que même avec des méthodes qui diffèrent d’un projet à l’autre, le diagnostic, dans tous les cas, agit comme un catalyseur pour la suite. Même pour les entreprises déjà sensibilisées aux aspects sociaux et économiques, pour qui Défi-Ino apporte de la crédibilité à la démarche.
QUELLES SONT LES CLÉS D’UN DIAGNOSTIC “GAGNANT” ?
Peggy Zwolinsky – L’auditeur doit avoir une expertise sur les questions de durabilité et sur l’utilisation de ses outils, car l’absence de données rend difficile l’analyse d’un produit ou d’un service manquant de maturité. C’est d’autant plus important car en une demi-journée, il est possible d’arriver rapidement à des recommandations banales, voire erronées si l’expert ne maîtrise pas les concepts du développement durable et la technique du diagnostic. Leur haut niveau de qualification permet de s’assurer que bien qu’extrêmement rapide, le diagnostic intègre une approche ” cycle de vie “, apporte une vision systémique, permet de comprendre les transferts d’impacts et enfin offre une vision à 360° des trois dimensions du développement durable (économique, environnementale, sociétale).
Elise Monnier – De plus, pour être efficace et efficiente, la démarche doit être “sponsorisée” au niveau optimal de la gouvernance de l’entreprise. Les convictions personnelles du dirigeant sont déterminantes pour que le diagnostic flash débouche effectivement sur des actions concrètes.